Blog - Billets des amis - Bibliothèque Dauphinoise
C'est le pendant, plus vivant et interactif, du site :
www.bibliotheque-dauphinoise.com
où je présente une partie de ma collection de livres sur le Dauphiné, la montagne, les Alpes, etc. C'est un site de bibliophilie et de bibliographie.
Le bulletin de la Société d’Études des Hautes-Alpes, de l'année 2021, vient de paraître. J'ai le plaisir d'y faire paraître une étude sur le premier libraire de Gap (et des Hautes-Alpes) et un des deux premiers imprimeurs du département : Jean-Baptiste Genoux, qui est aussi un des inventeurs de la stéréotypie. J'en profite d'ailleurs pour lui rendre la paternité de cette invention qui a parfois été attribuée à tort à Claude Genoux, l'enfant de Savoie.
Le moment venu, je mettrai le lien vers le contenu du bulletin, sur le site de la Société
On peut se demander quel rapport il y a entre ce livre de piété : Le Chemin de la Sanctification, publié à Lons-le-Saunier en 1824, et les Hautes-Alpes. Ce n'est évidemment pas par le sujet. Ce n'est pas non plus par l'auteur. L’ouvrage est anonyme et une recherche bibliographique sommaire ne permet pas de l’identifier.
Et pourtant, cet ouvrage et, plus particulièrement, cet exemplaire est quatre fois en lien avec le département : par le libraire qui l’a édité, par l’imprimeur qui l'a produit, par le libraire qui l’a vendu et par sa propriétaire. Il sont en effet tous les quatre hauts-alpins. Cela suffit à lui donner une place ici.
Commençons par le libraire qui l’a publié. Il est noté sur la page de titre : « Lons-le-Saunier, Chez Escalle et Comp.e, Libraires ». Il s’agit de Jean Joseph Escalle, né le 22 août 1797 à La Motte-en-Champsaur, fils d’un propriétaire cultivateur, Joseph Escalle, et de Rose Gauthier, originaire du Noyer. Bien que l’aîné de la famille, il n’a pas repris la suite de son père et a préféré rejoindre son oncle et ses cousins à Lons-le-Saunier comme libraire. Il a obtenu son brevet en mai 1822. Il exercera jusqu’à son décès en 1871, même s’il avait commencé à passer la main à son fils Arthur Escalle dans les années 1860. En 1829, il a épousé Julie Faure, une des petites-filles du botaniste Dominique Villars. Le mariage a eu lieu à Strasbourg.
La famille de sa mère, les Gauthier, comptait de nombreux libraires et éditeurs, installés à Bourg-en-Bresse, Lyon, puis Lons-le-Saunier. Etienne Gauthier, l'oncle de Jean Joseph Escalle, est né le 7 octobre 1772 aux Evarras, hameau de la commune du Noyer. Il a rejoint ses oncles et cousins, libraires à Lons-le-Saunier avant la Révolution. C’est surtout lui qui a développé l’imprimerie à Lons-le-Saunier. C’est lui qui a imprimé cet ouvrage pour le compte de son neveu, le libraire Escalle.Son seul fils Frédéric (1797-1862) lui a succédé, donnant une grande ampleur à l’imprimerie familiale avant de la céder. Le propre fils de Frédéric Gauthier est Jean-Albert Gauthier-Villars, le célèbre imprimeur scientifique parisien, dont le fils Henry, dit Willy, a eu son moment de célébrité comme écrivain, publiciste et chroniqueur et surtout, aujourd’hui, comme premier mari de Colette.
Comme on le voit, cet ouvrage est le résultat de la fructueuse association d’un oncle et de son neveu, enfants de la « diaspora » haut-alpine installée à Lons-le-Saunier.
L’histoire haut-alpine de cet ouvrage ne s’arrête pas là. C’est maintenant l’exemplaire lui-même qui a sa propre histoire dans le département, plus spécifiquement à Gap.
Le libraire Jean Joseph Silve, né à Selonnet en 1785, ancien domestique de l’évêque de Digne, s’est installé à Gap comme libraire vers 1823, à la demande et avec l’appui du premier évêque de Gap post-concordataire, Mgr Arbaud. Il a obtenu son brevet de libraire en février 1825. Installé rue de Provence, à Gap, il a tenu boutique jusqu’à son décès en 1854. Il a légué son fonds de commerce à sa servante, Mlle Tardif.
Au moment de son installation, il était probablement le libraire le mieux achalandé de la ville où il s’était plus particulièrement spécialisé dans le livre religieux et classique. Cette activité aujourd’hui marginale de l’édition et du métier de libraire était alors une des principales sources de revenu pour les libraires de province, l’autre activité étant les livres classiques à destination des collégiens.
C’est ainsi qu’en 1825, l’année du Jubilé comme l’atteste une étiquette au premier contre-plat, le libraire Silve proposait cet ouvrage à la vente. Il a aussi collé son étiquette de libraire sur une page de garde. Notons d’ailleurs qu’il y a visiblement eu une hésitation, suivie d’une correction, sur le nom du libraire qui, de Silve, a bien failli s’appeler Sylve.
Enfin, le livre a appartenu à une certaine Antoinette Laffrey qui a apposé sa signature sur la page de titre. Il s’agit très probablement d’Antoinette Laffrey, née à Gap le 2 février 1804, fille de Dominique Joachim Laffrey et Louise Antoinette Cherdame. Il est probable qu’on lui a offert ce livre. A l’époque, il était guère envisageable qu’une jeune fille de bonne famille, âgée de 21 ans, entre chez un libraire pour acheter un livre. Antoinette Laffrey a passé toute sa vie dans les Hautes-Alpes. Elle est morte à Lettret le 3 avril 1878, célibataire.
Pour être complet sur le lien avec le département, il faudrait identifier le relieur de l’ouvrage. A l’époque, les livres étaient vendus en feuilles, non coupés, sous des couvertures muettes d’attente. C’est d’ailleurs à cette époque qu’a commencé à apparaître la couverture imprimée qui permet d’indiquer le contenu de l’ouvrage. Il était donc d’usage de faire relier les livres. Le libraire se chargeait lui-même de le faire ou le confiait à un relieur. Ce pouvait être aussi l'acheteur qui le confiait à un relieur de son choix. Même si cela peut aujourd’hui surprendre, beaucoup de libraires étaient aussi relieurs ou disposaient d’un atelier de reliure. Il était même courant que des relieurs deviennent libraires pour écouler eux-mêmes le résultat de leurs travaux. A notre connaissance, Jean Joseph Silve n’était pas lui-même relieur, mais il pouvait très bien confier ce travail aux nombreux artisans de la ville. Ce sont les obscurs de l’histoire de la reliure. Ils étaient pourtant nombreux, capables de réaliser ces travaux certes modestes, mais soignés. Il n’était alors pas question qu’ils signent leurs travaux. On ne saura jamais qui a relié cet exemplaire, ni même s’il était haut-alpin, mais, connaissant le mode de diffusion du livre dans une petite ville comme Gap, il est fort probable que c’est le travail d’un relieur gapençais.
Pour finir, une autre question reste en suspens. Est-ce de manière délibérée que le libraire Escalle et l'imprimeur Gauthier se sont assurés de la diffusion de leur production dans leur département de naissance ? Ont-ils passé un accord avec le libraire Silve pour que celui-ci diffuse les ouvrages qu’ils publiaient et imprimaient ? C’est fort probable, mais cela reste évidemment à prouver.
Je pense qu’aujourd’hui, le libraire Silve est inconnu de tous. Le souvenir de ce modeste commerçant a été perdu. Si j’en parle aujourd’hui avec tant de détails inédits, c’est que, prochainement, un article sur un imprimeur gapençais va paraître dans le Bulletin de la Société d’Etudes des Hautes-Alpes. En travaillant sur lui, j’ai croisé – si j’ose dire – le libraire Silve et son protecteur ecclésiastique.
Enfin, je ne me suis guère étendu sur l’ouvrage lui-même. C’est vraiment le livre de piété par excellence. Une recherche dans le catalogue de la BNF montre que la première édition semble être de 1811, suivie par de très nombreuses éditions, jusqu’en 1879. Le catalogue ne contient pas moins de 79 notices sur cet ouvrage. On peut d’ailleurs remarquer que l’exemplaire est en bon état, alors que ces ouvrages étaient souvent beaucoup manipulés.
Maison de Jean-Etienne Gauthier, rue du Commerce, à Lons-le-Saunier |
J'ai plusieurs fois évoqué les familles Gauthier et Escalle :
Libraires hauts-alpins dans la France des Lumières
Une conférence sur l'ascendance haut-alpine d'Henry Gauthier-Villars, dit "Willy" avec le lien vers l'article correspondant : cliquez-ici.
Par la nécessité de ces travaux et sous l'impulsion de ma mère, je me débarrassais peu à peu, sans retour, d'une certaine indolence native. Ce n'est que maintenant que je mesure les étapes parcourues. Le jugement très sûr de ma chère maman et sa volonté souriant faite de douceur et de ténacité, me guidèrent presque à mon insu. [p. 22]
Une seule chose l’inquiétait : notre avenir.
- Il faut que Francis relève la scierie… qu'il la remette en marche… Si Mathieu revient, il vous aidera… C'est un brave cœur. Mais s’il ne revient pas, tant pis !... vous vous passerez de lui… Il faut que la petite scierie des Eaux-Vives fasse à nouveau entendre sa chanson aux bords de la Romanche… Ce que le père a créé c’est au fils de le continuer… Tu le diras à Francis… , à mon petit gars…, à mon aîné… Je compte sur lui !... Tu lui diras aussi de veiller sur sa sœur, plus tard… Qu'ils vivent bien unis tous les deux… que jamais une querelle d’intérêt, une vilaine question d'argent ne les sépare. [p. 66]
Mais en face, de l’autre côté du ravin où gisait la Romanche glacée, l’énorme massif de la Meije, la superbe montagne aux trois pics, toute vêtue de glace, brillait sous le ciel sombre ainsi qu’un gigantesque diamant. [p. 28]
Et la chaîne des jours heureux allait ainsi être renouée. La vie continuerait, dévoilant tour à tour ses soucis et ses sourires. L'œuvre de sauvegarde de la maison était accomplie. Un enfant s'en était chargé malgré sa faiblesse. Il était resté droit au milieu des ruines, puis il les avait relevées...
En France, pendant le même temps, alors que roulé au gouffre de la défaite, notre pays s'abandonnait, un Homme aux yeux clairs, chargé d'ans et de gloire, lui aussi s'était levé. Il demeura debout alors que tout s'écroulait autour de lui, debout dans la douleur, debout dans la débâcle… Il nous a rassemblés, il nous a ranimés et rendus à nous-mêmes. Par lui, nous sommes redevenus dignes de notre grand passé et dignes de notre avenir. "Père de la Patrie", tel est le nom que l’Histoire lui a déjà décerné. En est-il de plus beau ?... Il ne lui suffit pas encore, car il veut être aussi le père de tous les braves gens de chez nous et le grand-père chéri de tous les petits enfants de France. [p. 117]
Un libraire parisien bien connu présentait récemment ce livre de Daubenton avec cette accroche : « Le tout premier livre imprimé à Gap ? ». Le point d'interrogation est bien venu. Ce livre a nécessairement été imprimé à Gap après 1793, qui est la date de l'édition originale. Or, il y a de nombreux livres qui étaient déjà sortis des presses de Joseph Allier, à Gap, avant cette date.
Joseph Allier, né à Grenoble le 15 novembre 1763, est le frère d'un autre Joseph Allier, né à Grenoble en 1749, fondateur d'une dynastie d'imprimeurs grenoblois active jusqu'au XXe siècle. Les autorités nouvellement installées dans le département des Hautes-Alpes ont fait appel au frère cadet pour installer une imprimerie à Gap, dans le nouveau chef-lieu du département. L'objectif était de disposer d'un atelier sur place plutôt que de faire appel aux imprimeurs grenoblois. C'était un gage de qualité et de rapidité.Selon les sources, Joseph Allier serait arrivé en 1790 ou 1791. De fait, dans la Bibliographie historique du Dauphiné pendant la Révolution française, d'Edmond Maignien, les trois premières impressions d'Allier datent d'octobre 1790. Ce sont :
- Discours prononcé à l'assemblée électorale du district de Gap par M. Bontoux, l'un des électeurs et maire de la commune de Pelleautier, dont l'impression a été ordonnée par l'assemblée électorale du district, ainsi que des motions qui sont à la suite. A Gap, chez J. Allier, imp. du département des Hautes-Alpes (octobre 1790), in-4°, 11 p (n° 1032)
- Discours prononcé par M. Joseph Serres, chirurgien, à l'assemblée électorale du district de Gap, dans la séance du matin 16 octobre 1790. A Gap, chez J. Allier, imp. du département des Hautes-Alpes, 1790, in-4° 8 p. (n° 1033)
- Procès-verbal de nomination et élection des juges et suppléants du district de Gap, département des Hautes-Alpes, 15 octobre 1790. Gap, J. Allier, 1790, in-4°, 78p. (n° 1034)
Ensuite, les impressions ont été très nombreuses à partir de cette date. Beaucoup sont de même nature que les trois premières : documents officiels émis par le département ou la municipalité de Gap, textes politiques comme les discours ci-dessus. A côté de cela, apparaissent des « vrais » livres, comme l'Almanach général du département des Hautes-Alpes pour l'année de grâce mil sept cent quatre-vingt-treize ou le Récit historique et moral sur la botanique, de Dominique Chaix, l'ami de Dominique Villars et, de ce dernier, un Mémoire sur l'étude de l'histoire naturelle et qui tend à établir qu'elle doit faire partie de l'éducation nationale, présenté par M. Villar, médecin de l'Hôpital Militaire de Grenoble.
Pour ma part, la première impression gapençaise de ma bibliothèque est une Adresse du District d'Embrun (Hautes-Alpes) à l'Assemblée des Vrais Amis de la Constitution, par Silvain, citoyen soldat des Hautes-Alpes, du district d'Embrun. Il s'agit d'une défense des hôpitaux de Charité, qu'un projet de décret de l'Assemblé Nationale prévoyait d'aliéner. L'auteur défend leur utilité dans les petites villes, en rendant hommage plus particulièrement aux dames religieuses hospitalières d'Embrun. Cette adresse a été lue à la tribune du Club des Jacobins lors de la séance du vendredi 11 février 1791, ce qui permet de dater approximativement cette impression.
En 1791, il existait toujours une imprimerie à Embrun, qui avait été établie par Pierre-François Moyse, de Grenoble, en 1776. Cet établissement était toujours actif. Il disparaîtra peu de temps après le décès de Moyse en 1794. Certes, son fils lui a succédé quelques années, mais il a dû vendre son matériel en 1797. Cette petite plaquette est la preuve tangible que l'imprimerie d'Allier avait pris le pas sur celle de Moyse, même pour des impressions embrunaises. Il y avait probablement une raison politique. Allier a toujours montré une grand attachement à la Révolution et à ses principes, ce qui en faisait l'imprimeur tout trouvé pour produire un document d'esprit révolutionnaire comme celui de Silvain. A l'inverse, Moyse représentait l'ancien monde, celui où la vie intellectuelle du département se trouvait à Embrun, auprès du siège de l'archevêché. Ensuite, la comparaison entre les impressions sorties des deux presses donne clairement l'avantage à Allier, qui disposait d'un jeu de caractères en meilleur état. Les impression de Moyse ont toujours souffert de la mauvaise qualité des caractères utilisés.
Sur Pierre-François Moyse, je renvoie à cet article du blog : L'apparition de l'imprimerie dans les Hautes-Alpes.
Carte topographique du massif du Mont Pelvoux au 1/80.000, par Paul Guillemin, 1879 Source : Service historique de la Défense, Vincennes |
Deux acteurs majeurs de l’exploration du massif se sont attachés à ce travail d’identification et de désignation, voire de baptême, des points remarquables du massif : sommets, cols, glaciers, brèches, etc. Henry Duhamel, de Grenoble, et Paul Guillemin, de Briançon, se sont tous les deux attelés à ce travail, qui devait naturellement déboucher sur une carte améliorée de ce point de vue. Une concurrence s’est établie entre eux. C’est Paul Guillemin qui publie dès février 1879 cette Carte topographique du massif du Mont Pelvoux au 1/80.000. Il a utilisé comme base de travail la carte de Prudent, publiée en 1874 à l'instigation du CAF, qui était une mise en couleurs et un essai de mise en évidence du relief par des courbes de niveaux fictives. Cette très belle carte a fait l’objet de ma part d’une longue description que vous pouvez lire sur mon site : cliquez-ici.
Carte topographique du Massif du Mont Pelvoux, par le capitaine Prudent, 1874. |
Paul Guillemin, par Jacques Garcin |
Cette carte de Paul Guillemin a été un des motifs de discorde entre lui et Henry Duhamel. En août 1879, ce dernier publie un Coup d'œil sur l'orographie des massifs de la Meije et de la Grande-Ruine, avec une carte dépliante :
Il s’agit d’un travail similaire dans son principe à celui de Paul Guillemin. Dans ce cas, le travail sur la toponymie ne concerne que le massif de la Meije et de la Grande-Ruine. Pour faire croire à une antériorité de sa publication, Henry Duhamel l'a datée de 1878. Lors du conflit qui les opposera, Paul Guillemin sera amené à préciser les conditions de publication des deux cartes :
II est bien vrai qu'en 1890, j'ai fait de larges emprunts à M. Duhamel, mais ce qui n'a pas été dit, ce qu'il fallait dire tout d'abord pour être juste, ce qu'ignorent les membres du bureau de la section de l'Isère et ce que n'ignore pas M. Pierre Lory, c'est que M. Duhamel m'a copié le premier et c'est le moment de révéler la supercherie de M. Duhamel.Certes, il s’agit de la parole de Paul Guillemin. Il est cependant avéré que l’on peut lui faire une plus grande confiance qu’à Duhamel lorsqu’il s’agit de savoir qui dit vrai, les deux hommes n’ayant pas le même rapport à la vérité et à l’honnêteté intellectuelle.
Ma propre carte du Pelvoux, la première parue en France, fut mise en vente en février 1879. Aussitôt, M. Duhamel me rejoignit à Lyon, me reprochant d'avoir donné mon travail sur le moment, qu'il m'avait fourni des documents. En attendant, il fit ce qui lui convenait et publia en août 1879 sa carte du massif de la Meije datée de 1878. Je savais qu'il comptait usurper ainsi une sorte de priorité; néanmoins je ne dis rien et ce n'est qu'en 1886, dans l'annuaire du CAF, que je relevais dans une note la supercherie de M. Duhamel. M. Duhamel ne souffla pas mot et dans la Revue Alpine de juillet 1896, il s'est vendu en donnant lui-même, dix-huit ans plus tard, la véritable date de sa première carte : août 1879 et non pas 1878. (source : Les pionniers des Alpes dauphinoises, Pierre Lestas, pp. 33-34).
Au-delà de ce conflit de préséance, l’histoire donnera raison à Henry Duhamel, qui avait plus de temps et de moyens pour poursuivre son œuvre de topographe. Le résultat de ses travaux est la publication en 1887, avec le Guide du Haut-Dauphiné, d’une carte en 5 feuilles du massif qui apporte une foule d’informations.
Carte du Haute-Dauphiné, Partie NO., par Henry Duhamel, 1887. |
Malgré ses activités professionnelles, ce qui était la différence notable avec le rentier Henry Duhamel, Paul Guillemin a travaillé à une nouvelle version de sa carte. Les minutes manuscrites de ce travail se trouvent dans le fonds Guillemin des Archives départementales des Hautes-Alpes (un extrait est reproduit dans notre livre). Une nouvelle carte a été publiée d'abord en 1890 : Carte topographique du Haut-Dauphiné, au 50.000e, en collaboration avec M. Laëderich, tout aussi rare et introuvable que celle de 1879 (tirage à 200 exemplaires, dont un aux Archives départementales des Hautes-Alpes), puis en 1896, jointe au livre de Saint-Romme : Le Pelvoux. Voyage en zig-zag dans les Hautes-Alpes. Une légende précise qu'elle "est augmentée de 300 noms qui paraissent pour la première fois dans une carte".
Carte du Massif du Pelvoux, par Paul Guillemin, en collaboration avec M. Laëderich, 1896. |
Le comte d'Hauterive |
Qu'est-ce qui m'attirait dans cet ouvrage dont le titre, c'est le moins que l'on puisse dire, n'appelle par le chaland ? C'est d'abord l'auteur, Maurice-Alexandre Blanc La Nautte, Comte d'Hauterive, un haut-alpin un peu oublié. Né à Aspres-lès-Corps le 14 avril 1754 et mort à Paris le 27 juillet 1830, Maurice Alexandre Blanc La Nautte (ou La Naute) a mené une carrière diplomatique sous l'Empire et la Restauration, au ministère des Affaires Étrangères, dont il fut en particulier le garde des archives. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont De l'État de la France à la fin de l'An VII et Éléments d'économie politique, paru en 1817. Il a été fait comte d'Hauterive en 1809.
Nota. Ce travail n'est imprimé que par épreuve et n'est pas destiné au public. Les jeunes gens, pour qui il a été fait, sont priés de s'en réserver exclusivement l'usage, et sur-tout de ne pas le communiquer à des personnes qui soient étrangères ou indifférentes au service. Chaque épreuve portera un numéro, qui sera inscrit sur un registre avec le nom de la personne à qui cette épreuve a été confiée.
C’est une biographie de Charles de Créquy de Blanchefort (ca. 1571 à Canaples (Somme) - 17 mars 1638 à Breme (Italie)), 2e duc de Lesdiguières et pair de France (1626-1638), qui a été fait maréchal de France en 1626, en même temps que son beau-père était nommé connétable. Il a successivement épousé les deux filles de François de Bonne, duc de Lesdiguières et de son épouse Marie Vignon : Madeleine de Bonne (1576-1620) et Françoise de Bonne.
J’ai décrit plus précisément cette édition sur la page que je lui consacre. Je vous y renvoie (cliquez-ici).
Cette acquisition a aussi été l’occasion pour moi d’enrichir ma collection d’ex-libris dauphinois. En effet, cet exemplaire provient d’un célèbre bibliophile lyonnais, Joseph Nouvellet, né à Lyon le 30 décembre 1840 et mort à Saint-André-de-Corcy (Ain) le 20 janvier 1904 (sauf erreur de ma part, je suis le premier à donner les date et lieux de décès exacts de ce bibliophile), dont la bibliothèque a été vendue en 1891 : Catalogue de l'importante et magnifique bibliothèque de M. X. ... de Lyon ... vente aux enchères publiques à l'Hôtel des ventes à Lyon, le lundi 14 décembre et 8 jours suivants, Lyon, 1891, avec Louis Brun, libraire à Lyon, comme expert.
Dans le cours de mes recherches, j’ai été amené à consulter l’exemplaire numérisé de l’University of Michigan, sur Google Books. En général, ils effacent les photos de doigts ou de tous autres moyens utilisés pour tenir l’ouvrage ouvert. Pour cette numérisation, seule un page a conservé la photo originale du doigt de l’opératrice de numérisation dont on peut admirer l’ongle savamment peint. Pour un ouvrage du XVIIe siècle, ce n’était pas le moins que de se décorer les ongles de façon aussi élaborée.
Joanny Drevet a ensuite utilisé ce dessin pour l'eau-forte qui illustre En Altitude (en face de la p. 32) :
GRAND HOTEL DU PROMONTOIRE
Maison de haut ordre, fondée par M. de CASTELNAU, en 1877
OUVERT TOUTE L'ANNÉE
Particulièrement recommandé aux personnes aimant la tranquillité
Station climatérique incomparable, à plus de 3,000 mètres d'altitude. — Vue splendide sur les montagnes et les glaciers du massif du Pelvoux. — Centre d’excursions célèbres. —Ascenseur système Gaspard, desservant tous les étages. — Logement et éclairage gratuits. — Table d'hôte (midi et 7 h.), à la Bérarde, au Lautaret et à La Grave. — Fumoir. — Nombreux petits jardins alpins, balcons et terrasses.
ON PARLE TOUTES LES LANGUES
N.-B. — Il est inutile d’avertir d'avance ; une chambre bien aérée est assurée à tous les Alpinistes, dans les dépendances de l'Hôtel.
Ce nom de campement des Demoiselles vient de la halte de deux heures que Miss Richardson, arrivée trop tôt pour aborder le rocher, fit en ce lieu en 1888. C'était la première ascension féminine.
Le père Gaspard appelle ce lieu : « Chambres des Demoiselles anglaises », alors que Félix Perrin le nomme « Grand Hôtel du Promontoire ». Escudié parle du « Campement Pic » en le situant sans doute au même endroit que le campement des Demoiselles.
Là, plusieurs caravanes célèbres passèrent la nuit, entre autres celle de M. et Mme Maquet.
Source : camptocamp.org |
Photo de Benoît Landeche, du 9 juillet 2016 publiée sur le site camptocamp.org |
En 1838, il choisit un texte sur les Chartreux qui est plus proche de l'histoire du Dauphiné que le précédent. Cette fois-ci, il fait appel au seul imprimeur de Gap, Alfred Allier : Description de l'origine et première fondation de l'ordre sacré des Chartrevx, naifvement pourtraicte au cloistre des Chartrevx de Paris. Traduicte par V. P. Frere François Iary, Prieur de nostre Dame la Pree lez Troyes.
N. B. Cette réimpression presque fac-simile d'un ouvrage devenu assez rare, exécutée sur l'exemplaire qui se trouve dans ma bibliothèque, n'a été tirée qu'à 102 exemplaires dont 8 sur papier de couleur. Il existe deux éditions de la version latine : la première de , Parisiis , 1551, petit in-4°, est citée comme rarissime dans le Catalogue Boulard ; la seconde imprimée, Parisiis, apud Guiliemum Chaudière, 1578 , forme un petit in-4° de 15 feuillets, signé Aij — Diij.
Achevé d'imprimer chez A. Allier, imprimeur à Gap, le 20 juin 1838.
Vic.te Colomb-de-Batines.
Comme l'indique l'ex-libris qui se trouve au premier contre-plat, cet exemplaire provient de la bibliothèque d'Armand de Saint-Ferriol, qui a été vendue à Lyon en décembre 1881. Il apparaît sous le n° 1596, avec cette appréciation : « [Cette réimpression] est devenue fort rare. »
Lien vers la page consacrée à cette plaquette : cliquez-ici.
Le livre est connu. Il est référencé dans la bibliographie des livres de montagne de Jacques Perret : « Un superbe album de dessins. Ouvrage rare. » Maintenant, essayez de trouver des informations sur Eugène Tézier. Avant 2013, il n’y avait rien sur lui. A l’époque, j’avais entamé des premières recherches, qui m’avaient conduit à publier une première page le concernant dans laquelle je ressemblais quelques informations, dont la date et le lieu de sa naissance et une première ébauche de bibliographie. Cela m’avait permis d’être en contact avec deux lecteurs du blog, dont un amateur-collectionneur de Tézier, qui m’avaient fourni quelques éléments complémentaires. Ils m’avaient en particulier transmis les rares articles le concernant.
Depuis, j’avais laissé le sujet en sommeil. L’achat récent de dessins originaux d’Eugène Tézier m’a motivé pour reprendre mes recherches et les mettre en forme. J’ai donc rédigé une notice biographique d’une trentaine de pages dans laquelle je rassemble tous les éléments que j’ai collectés depuis à peu près 10 ans. Pour accéder à cette notice, sous forme de PDF, suivez ce lien : Eugène Tézier, 1864-1940.
Pour finir, il est souvent habituel que le biographe d’un personnage sorti de l’ombre finisse par surévaluer la personnalité sur laquelle il a travaillé. Je ne pense pas être tombé dans ce travers. Il faut reconnaître qu’Eugène Tézier reste un illustrateur de second rang, que les œuvres que j’ai découvertes ne permettront malheureusement pas de hisser parmi les meilleurs. Ceci étant dit, je garde une admiration sans réserve pour la qualité des dessins à laquelle il est arrivé dans Nos Alpins. Cette qualité, malheureusement, n’a guère eu de suite, comme vous le découvrirez en lisant la notice.
ABCDauphiné
Dictionnaire historique et patrimonial
sous la direction d'Olivier Cogne et de Jean Guibal.
Tout ce que vous souhaitez savoir sur le Dauphiné se trouve dans cet ouvrage : de Bayard aux stations de ski, en passant par la route nationale 7 et la recette du fameux gratin dauphinois!
À travers plus de 400 entrées alphabétiques illustrées, l’ABCDauphiné offre l’essentiel à connaître sur cette province. Il propose une balade dans le temps et l’espace de cette ancienne région, correspondant aujourd’hui aux départements de la Drôme, des Hautes-Alpes et de l’Isère.
Personnalités incontournables, sites et bâtiments remarquables, événements, grandes inventions : l’ABCDauphiné convie le lecteur à la redécouverte de l’histoire et du patrimoine de ce territoire, pour le plus grand plaisir de ses habitants comme des centaines de milliers de touristes qui le visitent chaque année.
Les auteurs : Éloïse Antzamidakis, Jean-Marc Barféty, Philippe Bouchardeau, Catherine Briotet, Anne Cayol-Gerin, Benoît Charenton, Olivier Cogne, Gil Emprin, René Favier, Jean Guibal, Jean-Hugo Ihl, Jean-Gérard Lapacherie, Pierre-Yves Playoust, Christine Roux, Alexandre Vernin
Et les contributions de : Marie-Françoise Bois-Delatte, Yves Chiaramella, Isabelle Fouilloy, Valérie Huss, Louis Jacquignon, Philippe Moustier, Jean-Pierre Pellegrin, Hélène Viallet
Lien vers le site des PUG : https://www.pug.fr/produit/1747/9782706144202/abcdauphine
Vous pouvez télécharger un bon de commande et une présentation en suivant ce lien : cliquez ici.
« cinq exemplaires seulement de l'édition originale sont connus aux plus intrépides bibliophiles de notre province »
Le Sergent d'une Compagnie se retirant à cheval sur le tard, trouva prés des maisons de l'hameau de Font-Chrestiane, le Loup couché à travers du chemin, qui l'assaillit si furieusement, que sans le soudain secours il n'avoit dequoy avec son espée eviter d'estre la curée de cet ennemy. Une pauvre fille de Queyras en fut la proye la nuict au devant de la Ville: on la recognut le lendemain par sa tresse blonde: l'epicrane et tel autre reliquat de la teste qu'encor fraiz et sanglant tout un monde fut voir. On trouva mesme dans le ventre d'un Loup mort ou tué de-çà le Mont-Genévre, le doigt d'un enfant. [...]
Encor le plus beau jour de Juin 1629, un jeune Loup descendant du Bois de Ville à dix heures du matin, passa au conspect de plusieurs à un traictde mousquet d'icelle, tout proche du sieur Procureur du Roy et mon Cadet, qui s'y promenoient : de-là descendit prés des servantes qui lavoient à Fontrogiere, allat mettre en deroute par la campagne des femmes qui sarcloient, et luy crirent, Au Loup ; et fut veu traverser la Riviere gaignant la montée, à la poursuite d'un troupeau de brebis effarouchées, par le costé opposite de la vallée. (p. 276, de la réédition de 1868).
Il est particulièrement réjouissant de voir comment trois fins connaisseurs du massif des Écrins croisent leurs compétences pour relire l'histoire de sa cartographie de façon aussi accessible et vivante, sans rien céder sur l'érudition. À partir d'un corpus exhaustif, finement mis en perspective et évalué à l'aune des évolutions techniques et politiques, cette revue est une généalogie de noms évocateurs, que le lecteur retrouvera ou découvrira au fil des pages : Peutinger, Jean de Beins, Bourcet, Cassini, Capitaine, État-Major, Prudent, Guillemin, Duhamel...
Derrière ces têtes d'affiche du Who's Who de la cartographie des Écrins, de nombreux protagonistes directs ou indirects traversent l'ouvrage : militaires en mission, alpinistes en passion, écrivains, naturalistes, géologues...Chacun à leur façon, ils contribuent à perfectionner la connaissance topographique et la précision cartographique de la représentation de la montagne...
En retraçant l'évolution du métier de cartographe depuis les premiers « arpenteurs » et « cosmographes » jusqu'aux ingénieurs-cartographes, Jacques Mille, Jean-Marc Barféty et Michel Tailland nous rappellent que la cartographie en montagne est non seulement une affaire de techniques topographiques, mais aussi de marche et d'ascensions...
En cela, l'ouvrage est aussi une relecture de l'histoire de l'alpinisme à travers la cartographie, qui accompagne systématiquement l'exploration du massif...
Le travail de compilation, d'illustration et de discussion proposé par les auteurs et l'éditeur est d'une grande précision, avec de nombreux zooms détaillés sur des secteurs emblématiques du massif. L'iconographie est aussi riche qu'abondante, et confirme si besoin est que les cartes sont de véritables objets oniriques et esthétiques, voire artistiques. Les encres et lavis du 18ème siècle sont un régal, auxquels n'ont rien à envier certains dessins à la plume, à l'encre et à l'aquarelle du 19ème siècle ! Pour valoriser cette matière, la démarche des auteurs est très didactique. Elle est fondée sur des séries de questions-réponses, avec tout ce qu'il faut de définitions, de rappels historiques et techniques mais aussi de schémas explicatifs pour transmettre au lecteur les fondamentaux de la culture cartographique...
À cet égard... les géographes et les cartographes ont bien contribué à inventer les Alpes !
- De l'Antiquité à la fin du XVIIIe siècle.
- Du milieu du XVIIIe siècle à la fin du XIX siècle.
J'ai pris en charge les deux autres chapitres de cette deuxième partie respectivement consacrés à :
- La découverte du massif, 1750-1855.
- De la carte d’État-Major à la fin du XIXe siècle : les cartes des alpinistes.
A ce titre, Georges Flusin a mené avec Charles Jacob, Wilifrid Killian et Jules Offner, des missions d'observations des glaciers du massif des Écrins (le Haut-Dauphiné de l'époque). Il était plus particulièrement en charge des photographies.
Les premières observations firent l'objet d'un ouvrage paru en 1900 cosigné par Wikfrid Kilian et Georges Flusin : Observations sur les variations des glaciers et l'enneigement dans les Alpes dauphinoises, organisées et subventionnées par la Société des Touristes du Dauphiné, sous la direction de W. Kilian et avec la collaboration de G. Flusin, de 1890 à 1899, et publiées sous le patronage de l'Association française pour l'avancement des Sciences, Grenoble, 1904.
Les cartes d'Henry Duhamel, qui forment ce carnet, ont initialement paru dans le Guide du Haut-Dauphiné, en 1887 (voir ici pour plus de détails) :
Colomb de Batines et ses amis au café, vers 1835. Tableau anonyme, Musée de l'Ancien Évêché, Grenoble. Tableau donné à la Bibliothèque de Grenoble par Mlle E. Richardson, de Florence, vers 1929. |
J'ai donc mené deux tâches :
D'après la V.e Édition du Dictionnaire de l'Académie.
Il est sorti des presses de Joseph Allier, imprimeur de la préfecture et de la Société d'Émulation des Hautes-Alpes.
Jean-Michel Rolland est un ecclésiastique né à Gap le 13 février 1745. Élu député du clergé pour Forcalquier en 1789, il a siégé à la Constituante. Sa courte carrière législative terminée, il est commissaire du Directoire exécutif du canton de La Motte du Caire sous la Révolution. En l'An V, le 9 décembre 1796, il est nommé professeur de Grammaire à l’École centrale de Gap, puis directeur du collège. Il est mort à Gap le 29 avril 1810. Il était membre de la Société d'Émulation des Hautes-Alpes et directeur du Journal d'Agriculture qui a paru de 1804 à 1814. Il a été correspondant de l'abbé Grégoire pour son enquête de 1790 sur l'emploi de la langue française. Il est l'auteur de nombreux hymnes, d'un plaidoyer en faveur de Gap comme chef-lieu des Hautes-Alpes, mais son ouvrage le plus important est celui-là.
Ce Dictionnaire répond à un appel de la Société d’Émulation des Hautes-Alpes qui, en 1807, se proposait de décerner au 1er février 1809 un prix de 300 francs pour un ouvrage aidant à corriger les fautes de français les plus communes. Il obtint ce prix.
L'auteur est mort au moment de la parution de ce Dictionnaire, en avril 1810. L'éditeur Joseph Allier, à la suite du succès de la première édition, publie une seconde édition, pensant « rendre hommage à la mémoire de ce savant ». Constatant que ce dictionnaire s'est vendu non seulement dans les Hautes et Basses-Alpes, mais aussi en Provence et Languedoc, il ne craint pas « de changer une partie de cet ancien titre, en le généralisant et en l'appliquant aux départemens méridionaux. ». D'où le nouveau titre de cette seconde édition : Dictionnaire des expressions vicieuses et des fautes de prononciation les plus communes dans les Départemens Méridionaux, accompagnées de leurs corrections. Hormis ce changement et la suppression de la dédicace au préfet Ladoucette qui avait depuis quitté le département, cette seconde édition est en tout point identique à la première édition. Ce sont probablement les mêmes matrices qui ont servi à l'imprimer, voire, il s'agit de la récupération des cahiers de la première édition, avec un titre et un avertissement différents. Les Fautes à corriger sont les mêmes que celles de la première édition, signe que le texte n'a été ni repris, ni corrigé.
L'exemplaire que je présente aujourd'hui et qui vient de rejoindre ma bibliothèque est celui de l'imprimeur Joseph Allier. Il contient d'abord l'ouvrage de J.-F. Michel, pour la Lorraine, puis celui de J.-M. Rolland pour les Hautes et Basses-Alpes. Autant ce dernier est en état parfait, autant le premier porte des traces de manipulations : page de titre déchirée, qui a été doublée, déchirures, dont certaines ont été réparées, coins cornés sur les premières pages, qui ont été redressés, tâches. Cela laisse penser qu'il s'agit de l'exemplaire de travail de J.-M. Rolland, qui a été relié par l'imprimeur avec son édition du dictionnaire de Rolland.
Sur le premier contre-plat, il porte l'étiquette de Joseph Allier.
Joseph Allier, né à Grenoble le 15 novembre 1763, est le frère cadet de Joseph Allier, imprimeur et libraire de Grenoble. A la fin de 1790, il est appelé à Gap comme imprimeur. Il le restera jusqu'à son décès en 1843. Il a été membre de la société d’Émulation sous l'Empire. Il a été membre du conseil municipal de Gap à partir de 1800 et maire de la ville de 1831 à 1834. Il est mort le 30 mai 1843. Son fils Alfred lui a succédé, jusqu'à la cession de l'imprimerie à Delaplace en 1849.
La bibliothèque de Joseph Allier a été donnée à la Bibliothèque Municipale de Gap en 1980, formant le fonds Allier-Tanc-Tessier qui contient 2 380 livres et brochures, du XVIe au XXe siècle. Cet ensemble est composé pour l'essentiel des ouvrages publiés par la famille Allier comme imprimeurs. Pour cela, les ouvrages de cette bibliothèque sont rares sur le marché.
Après la parution de ce billet, un lecteur du blog m'a transmis l'étiquette/ex-libris de sa librairie :
Il vient de publier un nouvel ouvrage, toujours fondé sur l'exploitation des archives de la STN : Un tour de France littéraire. Le monde des livres à la veille de la Révolution, Gallimard, coll. « Essais », 2018.
Cet ouvrage se fonde sur le journal de voyage d'un commissionnaire de la STN, Jean- François Favarger, qui, de juillet 1778 à novembre 1778, a fait un tour de France des libraires :
Carte de l'itinéraire de Jean-François Favarger, juillet-novembre 1778 Source : www.robertdarnton.org/literarytour. |
C'est aussi l'occasion de voir la diffusion du livre en France, que ce soit celle des ouvrages autorisés, mais contrefaits, que celle des ouvrages plus ou moins interdits, comme l'Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes de l'abbé Raynal ou des livres "philosophiques", qui soit promeuvent des idées comme l'athéisme (d'Holbach), soit sont des libelles diffamatoires (Les ouvrages sur Mme du Barry) ou enfin des ouvrages pornographiques. En définitive, on voit comment chaque libraire se positionne par rapport à ces différents types d'ouvrages et quels sont les risques qu'il est prêt à prendre. Accessoirement, on glane quelques informations sur les clients de ces libraires. Il ne s'agit pas d'une histoire culturelle, car la nature des archives utilisées ne permet pas d'évaluer la réception des différents types d'ouvrage, ni leur influence. C'est plus un livre sur le commerce, où l'on parle beaucoup d'argent, de factures, de dettes, d’échanges, de faillites, et parfois d'embrouilles commerciales
En plus, avec une générosité dont tous les historiens ne sont pas coutumiers, Robert Darnton a mis à disposition le résultat de ses recherches sur un site Internet. On y trouve en particulier les archives qui lui ont servi pour écrire ses livres : www.robertdarnton.org.
Lors de son périple, Favarger a croisé deux libraires installés à Bourg-en-Bresse, connus sous la raison sociale Robert et Gauthier. Robert Darnton avoue qu'il en sait peu sur ces deux libraires dont il donne néanmoins les prénoms : Jacques Robert et Pierre Gauthier.
Ce dernier nous est bien connu. Il est né le 30 novembre 1746 aux Evarras, un hameau du Noyer, dans le Champsaur (Hautes-Alpes), deuxième fils de Jean Gauthier, dit Belin et d'Agathe Simiand. On ne sait pas comment il est devenu libraire, mais son père et son grand-père étaient déjà identifiés comme marchands. Il y avait probablement une tradition de migration marchande dans cette famille, qui a rendu encore plus facile le départ, probablement temporaire, puis définitif vers Bourg-en-Bresse. En effet, c'est ce Pierre Gauthier que l'on retrouve à Bourg-en-Bresse en 1772. Comme le rapporte Robert Darnton, avec son associé Jacques Robert, ils font faillite en 1778. Mais, cela n'a pas interrompu leur activité car on les retrouve toujours à Bourg-en-Bresse jusqu'à la Révolution.
Page de titre de la seule publication connue de Gauthier et Robert à Bourg-en-Bresse |
Maison Gauthier, Les Evarras (Le Noyer) |
Les recherches de Robert Darnton permettent de suivre les commandes des deux libraires entre 1772 et 1783. On constate d'ailleurs qu'ils ne sont pas seulement implantés à Bourg-en-Bresse, mais qu'ils sont aussi présents à Belfort, Belley (dans l'Ain), et Lons-le-Saunier. Le détail des commandes est consultable ici et la synthèse des ouvrages les plus commandés est la suivante :
Source : www.robertdarnton.org/robert,_gauthier,_et_vernarel-books_in_greatest_demand.pdf |
Pour illustrer ce que les archives de la STN renferment, cette lettre signée Gauthier, publiée sur le site de Robert Darnton :
Source : www.robertdarnton.org |
On peut comparer la signature avec celle de Pierre Gauthier, témoin de la naissance d'une de ses nièces à Lyon en 1797, alors qu'il est libraire rue Mercière :
Pour aller plus loin, lien vers la page (en anglais) consacrée aux libraires Robert et Gauthier, sur le site de Robert Darnton. En bas de page, liens vers les scans des lettres des libraires :
http://www.robertdarnton.org/literarytour/booksellers/robert-gauthier-et-vernarel
Sur la famille Gauthier, je vous renvoie à l'étude que j'avais publiée :
L'ascendance haut-alpine de Willy
Le faux titre de son Catalogue montre toute l'ambition qui était la sienne : rien moins que contribuer à une nouvelle biographie générale du Dauphiné. |
Colomb
de Batines et ses amis au café, vers 1835 Tableau anonyme, Musée de l'Ancien évêché, Grenoble |
Catalogue des Dauphinois dignes de mémoire. Première partie. A–J.
Paul Colomb de Batines
M. Faure a consacré à la poésie les loisirs que lui laissaient ses prosaïques travaux de notariat et d'administration; peut-être même a-t-il cherché dans cette douce occupation l'oubli des nombreux chagrins qui l'ont éprouvé pendant sa longue carrière. On lui doit, notamment, trois poëmes héroï-comiques dans lesquels il chante de fort plaisants événements, dont le département des H.-Alpes a été le théâtre. Ces poëmes sont écrits avec verve et entrain : il y a de la gaîté, de bonnes saillies, beaucoup plus qu'on ne saurait raisonnablement en attendre d'un homme ayant été notaire et sous-préfet.
Avec une faute dans la légende : Trustelle, au lieu de Frustelle. |
Un dernier charme de cet exemplaire est cette page d'envois successifs entre les différents propriétaires :
Transcription :
A Monsieur Albert, avocat
Son bien dévoué
Biétrix
Prière à monsieur Fermeau
Prière de conserver cet ouvrage
A. Albert
Prière à mon ami Tournier
d'accepter cet opuscule
Fermau
Texte original (p. 15) :
Les fabriciens, après court examen,
Votèrent tous en répondant : Amen.
Ainsi fut pris un dessein téméraire,
Qui dut bientôt troubler tout le pays.
Ainsi l'on voit que les plus beaux esprits
Peuvent faillir en croyant de bien faire!
Transcription (et transformation) par l'abbé Gaillaud dans le recueil de 1892 :
Les conseillers, après court examen,
Votèrent tous en répondant : Amen.
Ainsi fut pris un dessein téméraire,
Qui dut bientôt troubler tout cet endroit.
Ce qui fait voir que l'esprit le plus droit
Peut se tromper même en croyant bien faire.
Pour aller plus loin, les pages que je consacre à :
La Cloche de Frustelle
Jean Faure du Serre
et ce message à lui consacré sur ce blog à propos du Banc des Officiers.
Source gallica.bnf.fr / BnF |
L'exemplaire qui vient de rejoindre ma bibliothèque contient un bel envoi du prince Bibesco à Émile Viallet :
A Emile Viallet, Lamartinolâtre
Le Whymper Dauphinois.
Témoignage de sympathie alpestre
d'un nain pour un géant.
Alexandre Bibesco.
Uriage juillet 1888
Cet exemplaire, en meilleur état intérieur et extérieur, est de nouveau un témoignage de la circulation des livres anciens entre les érudits et bibliophiles du XIXe siècle, comme j'avais pu le raconter à propos d'un exemplaire des mémoires de Berwick (cliquez-ici). Sauf qu'ici, il ne s'agit pas de deux personnalités dauphinoises et un livre, mais de trois personnalités dauphinoises et un livre. On retrouve encore Aristide Albert qui a donné cet exemplaire à son compatriote Gustave Roux.
Gustave Roux (Briançon 29/4/1815 - Grenoble 9/3/1891) était un avoué et magistrat, mais surtout un bibliophile : « Il avait formé une importante bibliothèque vendue à un libraire après sa mort. ». On trouve ses initiales dorées en queue du dos. Dans cet exemplaire, il a souligné en rouge les noms des membres de sa famille, dont son grand-père Roux, notaire à Vallouise, lorsqu'ils apparaissaient dans les documents transcrits.
L'ouvrage a ensuite appartenu à Henri Ferrand, qui y a apposé son ex-libris.
Dernière mise à jour : 30/10/2023 11:10